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Petits meurtres contre l’emploi

AVERTISSEMENT : Ce billet date de plus d'un an.
Petits meurtres contre l'emploi
Ceci est un dindon

Benjamin est un jeune consultant informatique.

Fraîchement arrivé dans cette ville, il espère y faire son trou.
Professionnellement et personnellement.

Lors de sa prospection, il rencontre M. PAON, responsable d’une petite PME.
Il a comme projet de s’équiper d’un progiciel de gestion intégré et souhaite une étude préalable lui présentant les avantages et inconvénients de telles et telles solutions du marché.

Benjamin lui propose ses services en le convainquant qu’il est l’homme de la situation.

M. PAON lui dit : « Par contre, il faudra me faire un prix d’ami, car ma PME n’a pas de gros moyens. Et vous savez, ça vous fera une belle référence, d’autant que je suis le Président du club local des chefs d’entreprises »

Promis, prix d’ami !
Et en plus, le travail est particulièrement soigné.

À la remise de l’étude, M. PAON se montre chaleureux : « Voilà du bien beau travail, cela va m’être très utile pour faire plus de bénéfices. Encore merci. »

Benjamin lui présente sa facture.
M. PAON lui dit qu’il va la transmettre à la comptabilité et qu’elle sera payée sous 90 jours.

Benjamin s’en va, penaud, en faisant des calculs…
90 jours, ça fait beaucoup, et en plus, les jours, ils sont comment ? Calendaires, ouvrés, ouvrables ?

Contraint de trouver d’autres clients pour vivre, il se procure la liste des entreprises du club local.

Il les appelle et, quand il arrive à passer les barrages, entend invariablement la même réponse du dirigeant : « Une étude pour une informatisation sur une base PGI ? Désolé, j’ai ce qu’il me faut ! »

Assez désemparé face aux échéances qu’il doit assumer, il fait le forcing.
Finalement, il arrive à décrocher un rendez-vous avec la trentième et dernière entreprise du club.

M. RAPACE, le PDG, le reçoit.
Benjamin se présente et lui propose ses services de consultant pour une étude sur les logiciels de gestion qui lui conviendraient le mieux.

M. RAPACE l’arrête, et lui dit en brandissant une copie d’un volumineux rapport : « Une étude sur les PGI ? Non, regardez, j’en ai déjà une. Par contre, je serais intéressé par une étude sur les solutions de gestion de la relation client, la CRM. Mais il faudra me faire un prix d’ami. »

Benjamin est devenu verdâtre, il a reconnu la couverture du dossier qu’il a remis voilà 15 jours à Monsieur PAON.

En bafouillant, il dit qu’il va faire une offre.
Enfin peut-être, s’il a assez d’argent pour le papier et les cartouches d’encre.

Il vient de comprendre que son travail avait été dupliqué 29 fois.
Quant au règlement de sa facture à prix d’ami…
Benjamin PIGEON pourra attendre !


Les jours passent, la situation financière devient vraiment préoccupante.

Une amie lui dit : « Pourquoi ne passerais-tu pas une annonce sur LeBonCoin pour donner des cours ? »
Pas mauvaise l’idée, Benjamin va essayer…

« Jeune Consultant trilingue, donne cours d’Anglais ou d’Allemand, même en soirée ou le week-end. 35 € de l’heure »
Annonce validée et publiée.

Il ronge son frein en attendant les appels.
Rien, néant, nada.

Il retourne sur LeBonCoin et recherche les annonces pour les cours de langues.
Et il en trouve, plus récentes, devant la sienne…

« Professeur d’Anglais désirant arrondir ses fins de mois donne cours d’Anglais. Totalement disponible pendant les vacances scolaires. 15 € de l’heure ».

Dégoûté, il poursuit sa lecture…

« Ingénieur trilingue à la retraite, donne bénévolement des cours d’Anglais ou d’Allemand pour s’occuper et se distraire. 0 € de l’heure, déplacement offert »


Benjamin PIGEON ne doit plus faire l’autruche.
Il a probablement une tête de buse.
Dans cette vie, mieux vaut être vautour ou coucou.
Le pigeon, c’est bien connu, on lui donne les miettes.
S’il en reste !

Crédit photo : CC BY-NC-ND 2.0 par Helran (Flickr)

© PF/Grinçant.com (2013)

Billet en rapport : Arnaques aux emplois non rémunérés (+ Vidéo)

10 commentaires sur “Petits meurtres contre l’emploi”

  1. Avatar photo

    C’est pas 30 jours le règlement depuis quelques années ?
    Sinon, ce genre de rapport, dupliqué, c’est pas copyrighté ?

    1. Avatar photo
      PF/Grinçant.com

      Si, c’est réglementé à 30 jours, ce qui est déjà beaucoup.
      Mais certains n’hésitent pas à tenter le coup, ça peut passer, surtout face à un jeune qui a besoin de travailler, comme dans l’histoire.

      Pour le copyright, dans ce genre de situation, quasiment impossible de le faire valoir.
      Même des mentions blindées sur le document, les gens s’en foutent.

      Ce billet a pour but d’illustrer que les règles (ou au minimum l’honnêteté intellectuelle), ça n’est pas pour tous les oiseaux.
      Il y a ceux qui y croient, qui les respectent, et les autres.

      Lorsque l’on démarre, autant ne pas le faire en dindon ou en pigeon.

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        En 2000, en tant que consultant, j’ai été régulièrement payé à 120 jours par une des grandes entreprises du secteur public… Les règles ont évolué certes, mais je suis certain qu’il reste encore des prestations qui sont payées avec beaucoup de retard… Mais ceci c’est pour le secteur public.

        Pour le secteur privé, le risque c’est tout simplement une absence totale de paiement! Les raisons? Elles sont multiples: mauvaise foi, étude ne répondant pas aux attentes, le maître d’ouvrage a changé d’avis, et j’en passe…

        Il y a aussi la malhonnêteté la plus crasse! J’ai vu une de mes études signée par un petit chef de service qui avait tenté de récupérer mon travail à son compte… Ce petit fonctionnaire a continué sa petite carrière sans problème, sans être importuné au-delà d’une petite remontrance de la part de son directeur… Et oui, le consultant extérieur était par définition « extérieur » donc sans risque véritable pour la carrière du petit fonctionnaire.

        Le consultant, il est allé vers d’autres horizons, en tout cas il a appris à ne plus faire l’autruche, à ne plus être un pigeon. Il a plutôt tenté d’être un albatros qui s’appuie sur les vents des tempêtes, et des tempêtes il en a vu quelques unes…

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          PF/Grinçant.com

          Il faut les laisser là où ils sont, à profiter du travail des autres.
          Avec du recul, je suis cependant admiratif des positions qu’ils arrivent à obtenir en opérant ainsi.
          Mais je sais qu’au fond, ils ne sont pas si fiers d’eux.

          Ils ont cependant un pouvoir de nuisance certain, et il faut s’y habituer, voire en jouer.
          Pour ma part, je leur dis leurs quatre vérités, ça les déstabilise, et ils passent à autre chose.
          Mais ça soulage, et ça peut aider leurs victimes.

          Quant aux tempêtes, il y en aura de plus en plus, et pas seulement à cause du réchauffement climatique…

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      La loi LME fixe le délai maximum à 60 jours (calendaires) date de facture ou 45 j fin de mois.

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        PF/Grinçant.com

        Et il y a la loi, et la pratique…
        J’ai vu de très grosses sociétés payer à plus de… 6 mois !
        Elles attendaient l’exercice suivant.
        (Le genre d’entreprise qui coupe le service à ses abonnés au moindre retard de paiement)

        Ne parlons même pas des « Conditions Générales d’Achat » qui sont imposées au fournisseur/prestataire à la place de ses habituelles CGV.

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    Une variante:le stage non rémunéré où l’on fait miroiter à l’esclave de service un emploi(qui sera d’ailleurs occupé par un autre,payé que dalle comme il se doit)

    1. Avatar photo
      PF/Grinçant.com

      Compte tenu des pratiques des SSII (Sociétés de services en ingénierie informatique), il y a du boulot !
      Et cela fait un paquet d’années qu’elles sont en dehors des clous.

      Pour se donner une nouvelle virginité, elles changent de nom (vieille astuce) et deviennent des « ESN » (Entreprises de services du numérique).

      Dans le monde du travail, probablement l’un des pires secteurs, contrairement à ce que l’on peut souvent penser.

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