Jeune bourgeoise mal baisée, elle est en chasse.
Elle qui est si sèche avec les gens, a besoin de mouiller.
La douche ne lui suffit plus.
Ce jet tourbillonnant commandé par mitigeur ne remplace qu’imparfaitement l’inaccessible homme de ses rêves.
Ce procédé purement mécanique ne peut se substituer à la belle mécanique d’un puissant mâle.
Elle se veut intellectuelle, mais elle découvre qu’il faut compter avec sa fente.
Il va falloir intégrer ça et trouver rapidement un porteur de phallus.
Elle a des atouts.
Un beau corps, une féminité incontestable, et surtout une grande bouche…
Trop grande peut-être, car les hommes ont peur.
Elle termine ses études.
Communicante elle sera, l’École le lui a promis.
Pour l’instant, lorsqu’elle désire un homme, elle est incapable de le lui faire comprendre.
Son diplôme changera peut-être les choses.
Elle peut toujours rêver, l’essentiel ne fait pas partie de ses cours.
Pour la première fois de sa vie, un homme semble la draguer.
Il lui a dit qu’elle était jolie.
Il lui a dit qu’il rêvait d’une femme comme elle.
Elle a accepté de lui accorder sa compagnie pour le dîner.
Toute excitée, elle se prépare.
Aujourd’hui, la douche n’est qu’hygiénique.
C’est son premier, peut-être le dernier, il ne faut pas louper l’occasion.
Il est de bonne compagnie.
Il est prévenant, désireux.
Elle, désirable, se laisse faire.
Elle découvre ce qu’est un baiser.
Elle découvre ce qu’est une étreinte.
Elle découvre ce qu’est un homme.
Ils font l’amour toute la nuit.
Au diable la douche, elle vient de découvrir le vrai plaisir, avec une vraie queue, une grosse queue.
Ils se rencontrent tous les soirs, toutes les nuits.
Il est puissant, elle en redemande.
Elle découvre le sexe.
Elle découvre son corps.
Ses cris de jouissance ne sont pas simulés.
Des clitoris, elle en a partout, partout.
Elle se découvre bête de sexe.
Elle adore son partenaire, à l’origine de cette révélation.
C’est un spécialiste, un sensitif, et en plus, il a vraiment une grosse queue.
Son diplôme, elle l’a obtenu.
Elle va communiquer dans une grande entreprise.
En province.
Lui, il reste à Paris.
Huit cents kilomètres les séparent.
Mais le téléphone est là.
Le train est là.
Tous les week-ends, il vient.
Toute la semaine, elle fantasme, elle mouille de plaisir.
Il faut lubrifier, car il a vraiment une très grosse queue.
Il vient de la demander en mariage.
Interloquée, elle veut réfléchir.
Elle lui téléphone moins.
Les mots sont moins doux.
Elle se consacre davantage à son travail.
Elle est importante pour quelqu’un, mais elle préfère maintenant se croire importante pour son entreprise.
Lui, il est malheureux.
Le soir, lorsque le téléphone sonne désespérément, il pleure.
Il a une énorme queue, mais cela n’empêche pas les sentiments.
Il l’appelle au bureau, lui dit qu’il l’aime, qu’il arrive le soir même.
Il restera comme un con à la gare, avec ses fleurs.
Elle vient de s’inventer un déplacement professionnel.
À son retour, elle trouve une lettre de rupture.
Maintenant, elle se lamente.
Elle raconte à ses copines qu’elle est éperdument amoureuse de cet homme.
Qu’elle ne pourra plus jamais en trouver un comme lui.
Que la douche ne lui procure plus aucun plaisir.
Le mariage elle ne peut assumer.
Lorsque d’amour elle parle, elle est peut-être sincère.
Communicante elle se dit, de son énorme queue elle peut parler des heures.
Mais à la Société, elle veut cacher le noir de sa peau…
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