Grande barbe poivre et sel.
Bonnet à l’ancienne, sans même un pompon.
Vieux manteau gris.
Vieux godillots pas cirés, aux semelles entamées.
Il est là, et on le voit de loin.
À l’accueil de cet hypermarché.
Dans ce centre commercial en livrée de Noël.
Il attend que l’on veuille bien s’occuper de lui.
Sur le sol, de chaque côté, des sacs.
Quatre grands cabas à l’enseigne de grandes surfaces.
À l’intérieur, on aperçoit d’autres sacs.
Des sacs-poubelle.
Chacun doit contenir des choses bien précises.
Probablement pour protéger de la vue.
Pour protéger de la pluie.
Pour ranger.
Là, avec lui, c’est probablement tout ce qu’il a.
Tout ce qui lui reste.
Pour vivre, pour survivre.
Avec, peut-être, quelques précieux souvenirs.
Il attend que l’on daigne lui dire ce qu’il doit faire.
Où mettre ses affaires, sa vie.
Il ne peut entrer avec son bardas de pauvre.
Et il ne tient pas à ce qu’on lui vole quoi que ce soit.
Mais il a besoin d’entrer.
Il a besoin d’acheter.
Il attend que la blonde d’hôtesse cesse sa discussion.
Qu’elle semble faire durer, avec une femme bien propre sur elle.
On va lui dire de tout laisser dans le coin.
Là, pas loin du box où l’on propose la carte du magasin.
Le plus souvent assortie d’un crédit revolving.
Pour mieux consommer, pour mieux s’enterrer.
Une fois entré, malgré son pas lent, il sera poursuivi.
Par la vidéosurveillance.
Traqué par les caméras dômes.
Poursuivi par une TUB Camera® pouvant atteindre 20 km/h.
Du matériel hors de prix inclus dans les étiquettes de chaque article.
Soi-disant justifié par la démarque dite « inconnue ».
Avec « Retour sur investissement rapide » garanti.
Armes lourdes contre clodo hyper nécessiteux.
Juste le temps, pour moi le nanti.
De faire au pas de charge mon parcours.
Terrain connu, liste restreinte.
Du pain bio, des yaourts, de la confiture et de l’eau gazeuse.
Direction les automates pour aller plus vite.
Pour me faire avaler un billet de dix euros.
Vite fait, bien fait.
Par une fente avide et motorisée.
Mais en passant, regard sur une caisse avec caissière.
Avec une file un peu curieuse.
Derrière un homme, un vide sanitaire.
La seconde cliente attend à plus de deux mètres…
Puis, face aux automates vers lesquels je me dirige.
Un vigile, les bras croisés, la tête tournée.
Il ne fixe pas les caisses automatiques déjà gardées par une cerbère.
Non, il fixe la caisse « humaine », avec cet homme.
Y aurait-il comme un danger ?
Ce client ne voudrait-il pas payer ?
C’est vrai qu’il a l’air louche, il a même une gueule de clodo.
Avec sa barbe poivre et sel, son bonnet et ses cabas à l’accueil.
Comme une honte.
Un vigile là où je n’en avais jamais vu.
Tout ce système sophistiqué monopolisé.
Laissant le champ libre à des voleurs bien plus organisés.
Une fois la chose faite avec mon automate.
Regard un brin observateur sur la transaction objet de tant d’attentions.
L’homme a un vieux portefeuille ouvert à la main.
Il est prêt à payer.
Et la caissière termine de scanner.
Plusieurs lots.
Des grises, des blanches.
Bien épaisses, pour l’hiver.
Des chaussettes !
Crédit photo : Clochard assoupi sur le bord du Canal Saint-Martin, filtrage Lomo © PF/Grinçant.com (2006-2013)
© PF/Grinçant.com (2013)
La « démarque inconnue » MDR !!!
Le plus souvent cette démarque est le fait même du proprio, du gérant, du personnel.
Pas des clients, pas des « clodos » qui payent leur note. Pour certains c’est même cette
honnêteté qui les a conduits à la rue…
« Pour certains c’est même cette honnêteté qui les a conduits à la rue… »
Exact, et c’est peut-être ce qui est arrivé à cet homme vu ce matin.
Et vous avez tout à fait raison de parler du personnel, et surtout des propriétaires/gérants.
C’est totalement organisé, et cela fait partie du « système ».
Le client a bon dos, et maintenant il est souvent considéré, prioritairement, comme un « voleur potentiel ».
Pourtant, dans tous les cas, c’est le client qui paye, y compris ces joujoux de vidéosurveillance.
Des chaussettes, des gants, un bonnet, notre homme est un fin connaisseur de l’hiver.
Tout ce barnum, vu le comportement de nos concitoyen(ne)s, me semble plus dirigé pour les rassurer, ces honnêtes consommateurs, que pour contrer un risque mal inspiré.
Et encore, notre Robinson n’avait pas de compagnon à 4 pattes, il n’aurait même pas pu approcher, je suppose.
Tout va bien dans le meilleurs des mondes…
Dans le cas de cet hyper, je n’avais jamais vu de vigile(s) à cette heure et en sortie de caisses.
Par contre, il y en a toujours un sur un petit podium/pupitre à l’entrée du magasin.
Celui que j’ai observé devait venir du centre de surveillance, spécialement détaché pour ce client un peu spécial.
Pour le chien, je n’en ai pas observé d’attaché à l’entrée du centre commercial.
Mais les clochards avec cette « gueule » et cet âge n’en ont généralement pas (il ressemblait vraiment à celui de la vignette en accroche), cela concerne davantage les jeunes SDF.
Et, paradoxe stupéfiant, cet homme n’avait probablement aucune chance de faucher quoi que ce soit, ou alors c’est un magicien !
La tenue BCBG est beaucoup plus pratique pour ce genre de larcins.
Triste monde.
C’est la saison où il est intéressant de s’asseoir en faces des caisses de supermarché ,de regarder passer les chariots et laisser votre esprit dériver….
Vous réalisez alors combien nous sommes futiles dans nos achats non nécessaires pour satisfaire le dieu consommation, conditionnés que nous sommes.
C’est dans cette situation que j’ai pu voir un cas des plus pathétiques. Un monsieur, dans le style que vous décrivez, poussant un chariot qui ne contenait qu’une bouteille de whisky et des graines pour piafs, de quoi nourrir une volière….Joyeux Noel!
Au moins, l’homme dont vous parlez n’était pas égoïste ;-)
Remarquez, les choses ont l’air moins joyeuses pour la grande distribution que ce que l’on veut bien nous dire.
Je discutais récemment avec une surveillante d’automates de paiement (elle fait aussi les caisses, on les fait tourner), quant à l’aspect « désert » de cet hyper.
Elle me disait qu’en 4 ans, il y avait probablement 4 fois moins… de clients !
Quant aux « gros chariots », cela devenait exceptionnel, et c’était le samedi.
Photo d’un grand centre commercial prise un vendredi à 20h30 alors que le centre fermait à 21h00…

Tous les commerces de la galerie sont déjà fermés, et au fond à gauche, les caisses de l’hyper Leclerc…
Parmi les personnes visibles, il y a… un vigile !
Et c’est cet hyper qui est censé piquer la clientèle de celui du billet…
Édifiant !
Ben tant mieux, qui va se plaindre que les hyper soient déserts à 20h30? Y’a quand même mieux à faire (j’ai une famille et des potes, je sais lire) que de pousser un caddy à cette heure là!
Cela démontre que le système marche sur la tête et qu’il est totalement grippé.
Le centre de la photo a pour slogan « Maintenant c’est ici que ça se passe »… Ben non !
Ou alors, l’esprit grégaire des Français s’est encore renforcé, par les jours/horaires, après les lieux.
Grands commerces également déserts à d’autres moments : À la recherche de clémentines corses.
Par ailleurs, construire de tels centres n’a-t-il pas exclu, paradoxalement, des hommes comme le clochard du billet (peut-être un ancien petit-commerçant) ?
Je ne suis même pas certain qu’il oserait entrer dans celui-ci d’ailleurs.
PS : Le chariot n’est pas toujours nécessaire dans une grande surface, même s’ils nous poussent à l’utiliser par tous les moyens.
Vu qu’une vie peut tenir dans 4 cabas avec quelques sacs-poubelle, dans ce genre d’endroit on devrait pouvoir se satisfaire d’un panier, ou de ses mains/bras…
J’ai lu un article formidable sur les hypermarché il y a peu, je ne sais plus où, mais je l’ai beaucoup aimé.
Il parlait de projets de gigantesques centres commerciaux contenant hypermarchés et magasins à la c*n habituels, mais encore plus grands, donc avec encore moins d’employés par superficie/marchandise vendue, mais aussi encore plus loin des villes.
Les hypermarchés et centres commerciaux sont, à priori toujours, en partie subventionné par la mairie, par des réductions en tout genre, les maires voyant l’aubaine d’avoir sur sa commune un plus grand centre commercial que son voisin. Il pourrait ainsi retrouver un peu d’entrées de taxes et impôts que ne versent plus les magasins des centres villes, eux même vidés par les hypermarchés du hameau d’à côté.
Comme les précédents les ils sont implantés sur des terres agraires sur les territoires des petits villages ou hameaux de la périphérie des villes. Un des problèmes est que les premiers hypermarchés de plus petite taille, en détruisant les emplois ont commencé à s’autodétruire, moins de travail en ville, moins de gens avec des emplois, moins de gens avec des voitures (plus dur de s’y rendre), et d’argent en général.
Les nouveaux centres ne font donc qu’amplifier le phénomène. Ils réduisent encore plus l’emploi, il vident d’avantage les hypermarchés de taille moyenne de ceux qui ont encore des voitures. Ils augmentent la concurrence, nécessitant de rogner leurs marge Mais à terme ils vont aussi probablement s’achever. Je ne vois pas trop comment avec cette concurrence féroce entre hypermarchés, ils pourront tenir sur les marges, avec de moins en moins de clients potentiels.
Dans les centre-villes apparaissent déjà depuis au moins dix ou 20 ans les discount avec des prix beaucoup plus bas et des produits parfois moins pire, plus bruts avec moins d’additifs. Les étiquettes y plus modestes n’ajoutant pas un coût inutile pour ce qui reste de toute façon d’un goût esthétique plus que douteux, mais là encore, les prix montent.
Les sacs de patates ou céréales brutes, les fruits et légumes (les AMAP ou vente directe de fermiers et maraîchers étant donné que les marchés sont bloqués par les lobbyings des supermarché) ont à mon sens un bel avenir.
J’ai l’a chance (ou pas ?) de vivre en plein Paris, le grand marché de fruits et légumes de mon quartier à toujours une très forte fréquentation, surtout le week-end avec des gens venant même de banlieue (où il n’y a plus de marchés). Par contre les dizaines de supermarché (il y en a bien 1 ou 2 par rue), se vident de plus en plus. Je ne vois plus trop les queues de cinq ou dix personnes d’autrefois. Les produits sont souvent de premières nécessité. Dans une rue voisine, une dizaine de boutiques ont fermées depuis 1 an. Même les épiciers (dépanneurs) commence à se raréfier. 2 ont fermés dans le quartier en 2 ans. On pourrait penser aux carefour market qui ouvraient jusqu’à minuit, mais plus maintenant. Après 22h, il faut faire 800m pour trouver un épicier, là où il en fallait 200 il y a 2 ans. Un supermarché qui fermait à 21h vient de fermer, mais ça sent le coulage volontaire du patron pour virer tout le monde ? Plus de produits frais dans les rayons depuis 6 mois, du jour au lendemain. Pourtant un dia, limite discount. Il y a d’un côte une gentrification très forte de Paris, les loyers ont doublé en 10 ans. Certains HLM ont été revendus et n’ont plus ce statut. Et de l’autre côté, de plus en plus de gens à la rue, et ceux qui n’achètent plus que des éléments de base. Pour manger sain, où dans l’impossibilité d’acheter des produits transformés (ce qui revient finalement au même). Un des avantages des appartements de Paris. On n’a généralement pas la place d’y entasser des trucs inutiles. Ça améliore la conscience du manque d’intérêt de tout un tas de produit.
Si les vigiles et caméras pullulent aujourd’hui. Il n’auront bientôt plus grand chose à garder. L’Argentine, d’il y a 15 ans, ou bien les Grèce, Espagne, Portugal, Italie et États-Unis d’aujourd’hui semblent des bons exemples de ce qui nous attend.
La logique de la grande distribution arrive à ses limites.
Malgré le fait qu’ils aient utilisé de nombreuses astuces, dont des partages géographiques et des accords locaux.
Cette centralisation entre les mains de quelques acteurs peut également faire peur : il suffit d’intervenir auprès d’un nombre limité d’individus/groupes pour bloquer presque toute la distribution en France (dont l’alimentaire).
En cas de guerre (civile ou autre), ce genre de pouvoir devient scabreux.
Cela amène à une autre remarque : ils s’arrangeront toujours pour s’en sortir (quitte à augmenter considérablement les prix), leur pouvoir étant devenu anormalement démesuré.
Ce que vous constatez sur Paris ne m’étonne pas.
Tombé la dessus ce matin….
A quand les pièges à loup??
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/j-ai-la-honte-145099
En vous remerciant pour ce lien.
C’est effectivement honteux.
Pour trancher par rapport à la photo précédente (centre commercial tout neuf désert), je me permets de reprendre l’illustration directement ici, mais j’invite tout le monde à aller lire directement le billet « J’ai la honte » sur Agoravox.
Le petit cœur sur le i de Huit est charmant !
Sur la désertification : attention tout de même à l’effet des « Drives ». Je serais curieux de savoir quelle proportion des achats ils représentent, mais je ne serais pas surpris qu’ils doivent drainer pas mal de clientèle qui justement auparavant devait aller faire ses courses à des horaires emmerdants.
En tout cas, l’autre soir vers 19h30 au Géant d’à côté, avec ma compagne, on se faisait un peu peur dans les rayons absolument déserts…
Les enseignes se phagocytent elles-mêmes avec leurs propres drives.
Cela dit, je ne vois pas non plus grand monde sur les pistes de ces machins.
Un billet sur le sujet : Génération ChronoDrive, expressément pressée
Concernant le Géant Casino, je me demande si nous ne fréquentons pas le même…
Le monde est petit mais le quartier est grand ;-)
Oui, je pense que c’est le même hangar à consommation que nous fréquentions, mais nous n’y allons quasiment plus, pour cause d’AMAP et d’achats directs qui nous fournissent des produits locaux bien meilleurs à peu près au même prix…
C’est bien la raison pour laquelle je pestais quand ce « hangar à consommation » s’est mis à proposer des emplacements à des producteurs ou à des commerçants…
Peur que ceux qui ont de l’avenir ailleurs et autrement tombent dans le piège.
Heureusement, leur formule n’a pas trop de succès.
J’ai essentiellement vu un vendeur de saucissons et, dans l’allée d’accès, un marchand d’articles de… Magie !
Aujourd’hui, les clémentines corses y étaient à 2,99 €, mais elles avaient au moins une semaine de magasin. Cela poussait vers d’autres en cagette d’un kilo, affichées à 3,35 €, mais qui passaient à 3,60 en caisse.
Quant au poulet, aussi cher que le chapon : le Loué ou le Janzé est à 8 euros le kilo* !
On ne change pas un système d’abrutis.
*J’ai un prix de référence à 4,69 €, avec un plus bas à 3,65 € (« fermier Label rouge »).
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